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2014

L’heure grise ou le dernier client

Agota Kristof

avec Marja-Leena Junker, Constantin Cojocaru, Antonio Quarta

mise en scène, décor, costumes : Jean Flammang

collaboration à la scénographie : Inga Soll

décor sonore : Patrick Floener

maquillage : Joël Seiller

 

coproduction : Théâtre du Centaure, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg

photos – © Bohumil Kostohryz

Une chambre misérable, comme dans un film noir.Deux personnes s’y trouvent, à l’aube du dernier matin qu’elles verront naître ensemble. Elle: une prostituée, selon toute apparence. Lui: un petit voleur, probablement. Au début, il y a trente ans, leur relation était claire: il ne s’agissait que de sexe. A présent, il n’est plus question que de rêves, d’illusions, et de regrets. Ils vont rejouer le jeu qu’ils ont joué tant de fois. Un jeu d’amour et de haine, tantôt tendre, tantôt cruel, où le langage, si concis et si mordant qu’il soit, ne servira en rien à mettre les choses au point. Les réalités de leur vie sont laissées dans le vague, les limites entre la vie et le jeu s’effacent. Les mots ne sont que masque et façade. Comme d’habitude. Pourtant, ce matin-là, le jeu tourne mal…

Dans cette pièce sombre et inquiétante, écrite en 1975 et remaniée en 1984, Agota Kristof fait déjà preuve de tout ce qui, en 1986, imposera son œuvre majeure, Le Grand Cahier: une vision du monde lucide et impitoyable, dominée par la violence, marquée par la solitude, la vanité, parfois un humour plus que noir, et par de rares moments de tendresse ou la nostalgie de l’enfance.

Réfugiée hongroise, Agota Kristof échoue, en 1956, à Neuchâtel, en Suisse. Obligée de travailler, vingt ans durant, à l’usine, elle met du temps à maîtriser la langue française, qu’elle appellera d’ailleurs toujours «la langue ennemie». C’est pourtant de cette lutte que naîtra son style, limpide, laconique, sans la moindre trace de lyrisme, ce qui amènera les critiques à l’installer aux côtés des Kafka, Beckett ou Bernhard. Ce langage d’une objectivité quasi scientifique, qui se limite strictement à l’essentiel, qui n’est jamais bavard et se caractérise par la place qu’il réserve au non-dit, s’avère être, pour chaque comédien, un défi – et une fête.